Page précédente
  • Imprimer

Carlos Fuentes (1928-2012)

Romancier, nouvelliste, dramaturge, essayiste, Carlos Fuentes est l’auteur d’une œuvre foisonnante et multiple dans laquelle se lit, en fil continu, une méditation profonde et passionnée sur le Mexique.

› Œuvres de Carlos Fuentes aux Éditions Gallimard

Carlos Fuentes. Photo J. Sassier © Éditions Gallimard

Carlos Fuentes en 2003.

Dès son premier roman, La Plus limpide région (1958),  Carlos Fuentes donne à voir les violences, la solitude et l’obscurité qui cernent les habitants d’une ville, Mexico, qu’on pourrait déjà dire postmoderne. Au chaos de la vie urbaine répond un récit éclaté, fragmenté, où l’espace et le temps forment un gigantesque kaléidoscope. Ce premier roman présente déjà les deux constantes, intimement mêlées, de son œuvre romanesque : la recherche formelle et la réflexion sur l’identité du Mexique.
En effet, les histoires intimes insérées dans de complexes fresques historiques, les collages de temporalités distinctes, entre les résurgences préhispaniques et la folle course de la vie moderne, sont chez Fuentes autant de manières d’interroger un pays avec lequel il entretient des rapports changeants et parfois conflictuels.

Carlos Fuentes, Christophe et son œuf, Gallimard, 1991 (« Du onde entier »)

Christophe et son œuf, 1990.

Voilà pourquoi ses romans sont souvent des objets paradoxaux qui avec une ironie mordante se saisissent des mythes identitaires mexicains, éternels, omniprésents, et n’hésitent pas à les soumettre à rude épreuve. Mais il faut reconnaître que le rapport singulier que Fuentes entretient avec la réalité mexicaine s’explique en partie par les circonstances qui ont marqué sa trajectoire existentielle.
Pendant l’essentiel de sa jeunesse, Carlos Fuentes, né en 1928 dans une famille où le père a exercé des fonctions diplomatiques, voyage à travers le monde, des États-Unis à l’Europe, en passant par l’Amérique latine, au gré des nominations de son père. Il est lui-même ambassadeur du Mexique en France de 1975 à 1977. De cette expérience, il suit d’un regard attentif les affaires du monde et prend une certaine distance critique à l’égard de son propre pays.
Écrivain à l’écoute du monde, se nourrissant du dialogue et de la controverse, Carlos Fuentes ne cesse, depuis ses premiers textes, d’enregistrer et de répercuter les soubresauts de son époque et de sa patrie.

Carlos Fuentes, Terra Nostra, Gallimard, 1979 (« Du Monde entier »)

Terra Nostra, 1979.

Ses romans approfondissent la vision éclatée de la réalité mexicaine, la réflexion sur une identité nationale complexe et plurielle — La Mort d’Artemio Cruz (1966), Le Vieux gringo (1986), Les Années avec Laura Diaz (2003), Le Siège de
l’Aigle, (2005) ; mais ils dépassent aussi le cadre géographique et culturel du Mexique pour s’ouvrir sur l’universel — comme par exemple l’impressionnant Terra nostra, immense roman de presque huit cents pages qui couvre deux mille ans d’histoire et embrasse l’espace de quatre continents. Il vaut à son auteur le prestigieux prix Rómulo Gallegos en 1977.

Mais s’il fallait choisir un mot pour définir l’œuvre de Fuentes, ça serait « le temps », car il constitue la trame même de la plupart de ses livres. D’où le titre général que l’auteur a donné à l’ensemble dans lequel il inscrit son œuvre : l’Âge du temps. Le temps, acteur principal de ses romans, est pris dans une tension féconde entre le mythe et l’histoire : comment assumer l’héritage amérindien du Mexique ? Quelles leçons tirer d’une histoire nationale qui se répète cruellement dans ses excès ? Il donne aussi une tonalité nostalgique aux romans les plus autobiographiques, comme Diane ou la chasseresse solitaire (1996).

Carlos Fuentes, Géographie du roman, Gallimard, 1997 (« Arcades »)

Géographie du roman,
1997.

Le temps, enfin, guide une méditation sur l’épopée, l’utopie et le mythe inspirée par la lecture de Don Quichotte dans Le Sourire d’Érasme (1992) et qui se poursuit dans une réflexion plus générale sur le roman hispano-américain dans Géographie du roman (1997).

Scrutant la réalité foisonnante du Mexique, méditant sur les profondeurs du temps historique et humain, réfléchissant sur les moyens de la littérature, Carlos Fuentes promène ainsi son regard attentif et sa plume incisive sur la réalité mexicaine et latino-américaine mais aussi, plus largement, sur la nature des hommes. « Écrivains, nous sommes aussi des citoyens préoccupés à parts égales par l’état de l’art et par l’état de la cité », affirme-t-il dans son discours de 1987, lors de sa réception à Madrid du prestigieux prix Cervantès.
Carlos Fuentes s'est éteint en mai 2012.

Indications bibliographiques   

› Œuvres de Carlos Fuentes aux Éditions Gallimard

  • Carlos Fuentes, Territoires du temps. Une anthologie d'entretiens, Gallimard, 2005 (« Arcades »)
  • Hector Bianciotti, « Les eaux brûlées, par Carlos Fuentes », La NRF n° 365, juin 1983, pp. 141-142
  • Adolfo Castañón, « Carlos Fuentes ou L'exhumation du mercure », La NRF n° 556, janvier 2001, pp. 213-220
  • Marc Froment-Meurice, « Une certaine parenté, par Carlos Fuentes », La NRF n° 352, mai 1982, pp. 141-142
  • Jean-Charles Gateau, « Terra nostra, par Carlos Fuentes », La NRF n° 324, janvier 1980, pp. 133-136

© Éditions Gallimard