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Le Vieux-Colombier (1913-1924)

Début d’année 1913, le groupe de la NRF s’investit dans la création d’un lieu dédié au renouvellement de la scène théâtrale française, tant pour le grand répertoire que pour les œuvres contemporaines (Claudel, Romains). Cette volonté s’incarne dans la création de la troupe et du théâtre du Vieux-Colombier, placés sous la direction de Jacques Copeau et administrés par Gaston Gallimard. L’expérience artistique qui y est menée de 1913 à 1924, notamment par Louis Jouvet et Charles Dullin, appartient à la grande histoire de la scène française.

Le Vieux-Colombier. Archives Éditions Gallimard

L’idée d’associer un théâtre à La NRF revient à deux des fondateurs de la revue, Jacques Copeau et Jean Schlumberger. L’un s’est fait connaître par ses critiques dramatiques et par son adaptation des Frères Karamazov de Dostoïevski ; le second a déjà quelques pièces à son actif. Habitué des loges, Gaston Gallimard est sensible à cette proposition, qui sonne comme un adieu à la « cohue foraine du Boulevard » de son enfance. Il n’est qu’à lire le manifeste du Vieux-Colombier – c’est le nom de ce théâtre, de cette troupe puis de cette école –, publié dans La NRF de septembre 1913 : l’indignation y domine, à l’égard de l’« industrialisation » de la scène et des amuseurs publics qui y cabotinent. Il faut rétablir une scène de qualité pour la jeunesse et le public lettré, mise au service du texte dramatique. Programme qu'Albert Thibaudet résumera en quelques mots, vingt ans après la fondation du théâtre : « Une discipline dramatique, une technique consciente et serrée, une rénovation prudente et persévérante du métier, tels furent les  objectifs de Copeau. Sa conception ne ressemblait pas du tout à la formule du théâtre d’avant-garde, qui avait créé en partie le Théâtre-Libre et en totalité le Théâtre de l’Œuvre. »

Maquette d’un carnet d’abonnement au Théâtre du Vieux-Colombier, avec bon-à-tirer ms de Gaston Gallimard, septembre-octobre 1913. Archives Éditions Gallimard

Maquette d’un carnet d’abonnement au théâtre
du Vieux-Colombier, avec bon-à-tirer manuscrit
de Gaston Gallimard, septembre-octobre 1913.

Le Vieux Colombier s’installe dans l’ancienne salle de l’Athénée Saint-Germain, aménagée par Francis Jourdain dans la plus grande sobriété, sans machinerie ni apparat. Une société anonyme est créée par Gaston Gallimard pour l’exploiter, le 2 août 1913, avec notamment Jean Schlumberger et Charles Pacquement, qui rassemblent quelques amis souscripteurs. Autour de Copeau, Dullin et Jouvet, régisseur, une troupe est bientôt réunie, avec notamment Suzanne Bing, Jane Lori, Blanche Albane et Valentine Tessier. La première a lieu le 23 octobre 1913, avec une pièce du dramaturge élisabéthain Thomas Heywood. Les pièces s’enchaînent : plus de deux cent cinquante représentations la première année. Les grands classiques (Molière, Musset, Shakespeare) côtoient les œuvres de Renard, Martin du Gard, Claudel avec L'Otage, Ghéon, Schlumberger… Succès critique et d’affluence : le théâtre a trouvé son public, qui comprend la nouveauté de sa démarche, qui n’est ni vraiment populaire ni vraiment d’avant-garde (« Nous ne sentons pas le besoin d’une révolution. Nous avons, pour cela, les yeux fixés sur de trop grands modèles »).
La déclaration de guerre empêche la deuxième saison de se dérouler. Copeau ne reste pas inactif ; il rencontre d’autres rénovateurs de la scène européenne : Craig à Florence, Appia et Jaques-Dalcroze en Suisse. Il crée en 1915 un embryon d’école puis, en 1917, part aux États-Unis pour une tournée de conférences.

Un mécène, Otto Kahn, ayant proposé à Jacques Copeau de reprendre le théâtre français de New York, au Garrick Theater, la troupe s’installe à son tour aux États-Unis pour une très mémorable, mais éprouvante, épuisante, saison américaine. Gaston Gallimard est du voyage. Il y publie un somptueux Album du Vieux-Colombier, illustré par Guy-Pierre Fauconnier. La scène parisienne, pendant ce temps, accueille l’avant-garde musicale (Auric, Honegger, Poulenc…). Copeau ne sera de retour en France que le 23 juin 1919. Il rajeunit sa troupe, repart sur de nouvelles bases.

Les Amis du Vieux-Colombier, par Jacques Copeau. Les Cahiers du Vieux-Colombier, novembre 1920. Archives Éditions Gallimard

Déclaration d’intentions de Jacques
Copeau, publiée en novembre 1920
dans Les Cahiers du Vieux-Colombier,
à l’occasion de la reprise de l’activité
du Théâtre.

Le théâtre rouvre le 9 février 1920, avec Le Conte d’hiver. Accueil mitigé. Les spectacles s’enchaînent durant quatre saisons : Goldoni, Marivaux, le Saül de Gide, La vie est un songe de Calderón ; les Pittoëff viennent jouer Oncle Vania de Tchekhov, œuvre encore méconnue en France. L’école se développe avec l’aide de Jules Romains, mais aussi de Gide, Rivière, Larbaud ou Valéry. Mais des dissensions commencent à naître ; Jouvet perd de son autorité face au neveu de Copeau. La séparation intervient en 1922 entre les deux hommes, alors que Dullin, lui, a pris ses distances depuis l’expérience américaine. Gaston organise au théâtre des concerts, avec La Revue musicale d’Henry Prunières, ouvre un restaurant… Mais Copeau est épuisé. La société est dissoute en 1924. Copeau confie une partie de la compagnie à Jouvet, à la Comédie des Champs-Élysées (où Valentine Tessier deviendra l’interprète privilégiée des pièces de Giraudoux), et se retire en Bourgogne pour expérimenter un théâtre plus populaire, régional, de « proximité », avec sa troupe des « Copiaux ».

D’après Alban Cerisier, Une histoire de La NRF, Gallimard, 2009, p. 547-551.

Décor pour Pelléas et Mélisande Maurice Maeterlinck au Théâtre du Vieux Colombier, 1920. Archives Éditions Gallimard

Décor du Vieux-Colombier pour Pelléas et Mélisande,
de Maurice Maeterlinck, 1920

Bibliographie indicative

Correspondances

Registres du Vieux Colombier 

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