Collection Bibliothèque des Histoires
Avec près de deux cents essais, recueils et monographies d'historiens contemporains, la «Bibliothèque des Histoires», créée et dirigée depuis 1971 par Pierre Nora, demeure la pièce maîtresse du dispositif éditorial imaginé par Gallimard pour accompagner la recherche historique sur ses nouveaux terrains d'investigation. Elle a notamment joué un rôle central dans l'élargissement de l'audience de cette discipline à partir des années soixante-dix.
Création : 1971
Nombre de titres parus : 195
Nombre d'auteurs édités : 123 (hors collectif)
Ventes depuis parution : 1 500 000 ex.
Meilleure vente : Emmanuel Le Roy Ladurie.Montaillou. Village occitan de 1294 à 1324 (1975) : 155 000 ex.
Le premier titre :
Henri Maspero. Le Taoïsme et les religions chinoises (10 novembre 1971)
«Passé 1970, le public, pour des raisons que je discerne mal, s'était pris d'un goût de plus en plus vif pour l'histoire. Quelques historiens professionnels décidaient de ne plus écrire seulement pour leurs confrères ou leurs élèves, et l'histoire, j'entends la sérieuse, alliant la rigueur et le goût de la découverte à l'élégance du discours, redevenait ce qu'elle avait été en France au XIXe siècle, un genre littéraire très fertile. […] Je ne pense pas que nous nous soyons offerts. Nous avons hésité, inquiets, devant cette ouverture brusque, vertigineuse, sur une audience immense, hétéroclite, insaisissable. Tentés pourtant. Nous nous risquâmes. Nous nous en sommes, je crois, bien trouvés.» (Georges Duby, «Le Plaisir de l'historien», dans Essais d'ego-histoire, 1987)
D'hier à aujourd'hui
«Hier encore consacrée au récit des événements qui frappèrent les contemporains, à la mémoire des grands hommes et aux destins politiques des nations, l'histoire a changé ses méthodes, ses découpages, ses objets. C'est pourquoi s'est fait sentir le besoin, à côté de la "Bibliothèque des sciences humaines" et dans le même esprit, de créer à l'histoire une place conforme à ses multiples dimensions.» (Pierre Nora, 1971)
Ces quelques lignes figuraient au dos de tous les ouvrages de la collection jusqu'en 1975 ; c'est l'ébauche d'un programme : désigner et épouser les contours d'une historiographie en pleine mutation, en France comme à l'étranger, et donner à la réévaluation du discours historique une juste mesure éditoriale. Pierre Nora fut de ceux qui, tout en maintenant leur activité universitaire, s'attelèrent à la tâche. Avec Jacques Le Goff, en 1974, il expose plus avant ses motifs dans le livre-manifeste Faire de l'histoire, discours de la méthode d'une «Nouvelle Histoire» plurielle dans son élaboration et ses enjeux. On y retrouve exposés la plupart les thèmes qui structureront en profondeur la collection. Elle s'inscrira de fait assez distinctement au cœur d'une génération résolument historienne, attachée à penser l'homme, les civilisations du passé dans toutes leurs dimensions, et notamment dans leur part d'immatérialité — cultures et idéologies, sensibilités, imaginaires, symboles et représentations, remémorations collectives prédominent… La transdisciplinarité, sur laquelle a pu s'appuyer ces différentes manières d'anthropologie historique, est alors au goût du jour, prolongement, peut-être incertain, de l'essor inouï des sciences humaines. Les chefs-d'œuvre que sont Saturne et la mélancolie de Klibansky, Panofsky et Saxl (1989) ou L'Art de la mémoire de Yates (1975) en demeurent d'excellentes illustrations.
Se faisant davantage l'écho des recherches menées et des enseignements dispensés au sein de la VIe section de l'École pratique des hautes études (devenue l'EHESS) ou du Collège de France qu'en d'autres établissements, les grands animateurs de la collection ne renient pas l'héritage des Annales — particulièrement Jacques Le Goff, qui préface en 1983 la réédition des Rois Thaumaturges de Marc Bloch. La place qu'y tient l'histoire des mentalités médiévales suffit à le montrer, avec des œuvres aussi marquantes que Guerriers et paysans et Les Trois Ordres ou l'imaginaire du féodalisme de Georges Duby (1973, 1978), Montaillou. Village occitan d'Emmanuel Le Roy Ladurie (1975), Pour un autre Moyen Âge de Jacques Le Goff (1977), La Mort et l'occident de Michel Vovelle (1983), Les Deux Corps du roi d'Ernst Kantorowicz (1989), La Raison des gestes dans l'Occident médiéval de Jean-Claude Schmitt (1990) ou encore, à titre posthume, les quatre volumes du Mythe de la croisade d'Alphonse Dupront (1997)…
Approfondissant ce legs scientifique, la collection prend pourtant une part active à son amendement. Ces années voient s'opérer de grands «retours», à l'événement par exemple (Un meurtre, une société de Bernard Guenée) ou à la biographie (L'Empereur Frédéric II de Kantorowicz en 1987 et le magistral Saint Louis de Le Goff dix ans plus tard). D'autres courants historiographiques l'animent, parfois venus de l'étranger comme la micro-histoire italienne, cette «histoire au ras du sol» (Jacques Revel) qui fut pratiquée par Carlo Ginzburg ou Giovanni Levi. Quant à l'histoire des mœurs et de la vie privée, elle fut brillamment introduite par les études de Michel Foucault, notamment sous l'angle des déviances et des rapports de domination sociale et domestique qu'elle met en jeu : Histoire de la folie à l'âge classique (1972), Surveiller et punir (1975) et les trois volumes de l'Histoire de la sexualité (1976-1984).
L'anthropologie historique est également représentée pour les périodes anciennes (Marcel Détienne, Jean-Pierre Vernant), modernes et contemporaines (Annie Kriegel, Colette Beaune, Eric Hobsbawm, Maurice Agulhon, Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, Mona Ozouf…). Reste que pour l'époque contemporaine, l'élaboration d'une histoire intellectuelle du politique — pensé comme le lieu par excellence où la société agit explicitement sur elle-même (et que ni le social ni l'économique ne priment, contrairement aux optiques marxisante ou labroussienne) — plutôt que de la vie politique (élections, partis, conflits…), demeure l'un des apports principaux de la «Bibliothèque». La période révolutionnaire, après la publication du Penser la Révolution française de François Furet en 1978, tournant critique majeur, en bénéficiera tout particulièrement. On pense notamment aux études décisives de Mona Ozouf, de Marcel Gauchet, de Pierre Rosanvallon, d'Edouard Pommier ou de Claude Nicolet. Il faudrait enfin faire plus que mention des travaux d'histoire religieuse de Jean Bottéro, révélés par la collection, ainsi que des études et essais sur l'art et le patrimoine de Francis Haskell, Krzysztof Pomian, Dominique Poulot ou Antoine Schnapper.
Le tournant le plus récent est opéré par Pierre Nora lui-même avec les sept volumes des Lieux de mémoire, dans le prolongement de ses propres travaux à l'École pratique des hautes études, comblant de façon magistrale, et pour le moins inattendue, l'absence de grandes synthèses historiques dans la «Bibliothèque des histoires». La mémoire collective française, déjà objet d'études historiques, est désormais passée au peigne fin à travers un choix de ses principaux objets. L'événement, l'objet historique ne vaut pas tant pour lui-même que par la relation qu'il entretient dans l'élaboration du souvenir avec les présents successifs où il s'est trouvé engagé. L'ensemble s'articule autour des thèmes de l'identité et de la conscience nationales et des valeurs républicaines. «Les Lieux de Mémoire», expression dont l'usage «communiquant» eut tôt fait de rompre la cohérence conceptuelle, constituent une véritable encyclopédie faisant appel aux contributions d'un grand nombre d'historiens. Un classique, qui continue à faire de brillants émules — y compris dans la «Bibliothèque des histoires».
Brèves
La profession d'historien dans «La Bibliothèque des Histoires»
Michel de Certeau. L'Écriture de l'histoire — Faire de l'histoire, I, II et III — La Nouvelle Histoire économique — Essais d'égo-histoire — François Furet. Penser la Révolution française — Carlo Ginzburg. À distance. Neuf essais sur le point de vue en histoire — François Hartog. Le Miroir d'Hérodote — Francis Haskell. L'Historien et les images — Emmanuel Le Roy Ladurie. Le Territoire de l'historien I et II
Santo Mazzarino. La Fin du monde antique. Avatars d'un thème historiographique — Arnaldo Momigliano. Problèmes d'historiographie ancienne et moderne — Pierre Nora. Présent, nation, mémoire — Paul Viallaneix. Michelet, les travaux et les jours
Pour une histoire internationale
On dénombre plus de 50 traductions dans «La Bibliothèque des histoires» ; c'était le premier souhait de Pierre Nora : faire tomber les barrières entre le lecteur français et la production étrangère.
Historiens allemands : Oscar Anweiler, Ernst Kantorowicz, Raymond Klibansky, Thomas Nipperdey, Erwin Panofsky, Fritz Saxl — Américains : Svetlana Alpers, John Boswell, Judith C. Brown, Mary Carruthers, William B. Cohen, G.E. von Grunebaum, Richard F. Kuisel, David S. Landes, Moshe Lewin, Bernard Lewis, Pierre Novick, Jerrold Seigel, Timothy Snyder
Anglais : Michael Baxandall, Peter Brown, John Chadwick, Thomas Crow, Francis Haskell, Eric Hobsbawm, Andrew W. Lewis, Geoffrey Parker, Simon Schama, Keith Thomas, H.R. Trevor-Roper, Edgard Wind, Frances A. Yates — Brésilien : Gilberto Freyre — Espagnol : Julio Caro Baroja — Israëlien : Aviad Kleinberg — Italiens : Franco Cardini, Carlo Ginzburg, Giovanni Levi, Santo Mazzarino, Arnaldo Momigliano, Pietro Redondi, Franco Venturi — Hollandais : Robert Van Gulik — Marocain : Abdesselam Cheddadi — Polonais : Bronislaw Geremek, Krzysztof Pomian — Russe : Aaron J. Gourevitch, Anatoli Vichnevski — Suisse : Michel Jeanneret
«La Bibliothèque des Histoires» en d'autres collections
21 «Folio histoire» : Naissance de la nation France de Colette Beaune — Naissance de Dieu et Mésopotamie de Jean Bottéro — L'Écriture de l'histoire de Michel de Certeau — Une politique de la langue de Michel de Certeau, Dominique Julia et Jacques Revel — Faire de l'histoire I, II et III — Dames du XIIe siècle I, II et III de Georges Duby — Penser la Révolution française de François Furet — Le Miroir d'Hérodote de François Hartog — Nations et nationalisme depuis 1780 d'Eric Hobsbawm — La Naissance du purgatoire de Jacques Le Goff —Montaillou. Village occitan de 1294 à 1324 d'Emmanuel Le Roy Ladurie — Le Retour de l'Islam de Bernard Lewis — Le Sacre du citoyen, Le Peuple introuvable et La Démocratie inachevée de Pierre Rosanvallon — L'Individu, la mort, l'amour de Jean-Pierre Vernant
15 «Tel» : La Fable mystique de Michel de Certeau — Guerriers et paysans de Georges Duby — Histoire de la folie à l'âge classique, Surveiller et punir, L'Histoire de la sexualité I, II et III, de Michel Foucault — Maîtres et esclaves de Gilberto Freyre — Pour un autre Moyen Âge de Jacques Le Goff — Le Territoire de l'historien I, d'Emmanuel Le Roy Ladurie — Le Métier de citoyen dans la Rome républicaine, L'Idée républicaine en France de Claude Nicolet — La Fête révolutionnaire (1789-1799) de Mona Ozouf — La Mort volontaire au Japon de Maurice Pinguet — La Vie sexuelle dans la Chine ancienne de Robert Van Gulik
8 «Quarto» : Les Lieux de mémoire I, II et III — Féodalité et L'Art et la société de Georges Duby — Œuvres d'Ernst Kantorowicz — Un autre Moyen Âge et Héros du Moyen-Âge, le Saint et le Roi de Jacques Le Goff
Informations commerciales
Format : 140 x 225 - 170 x 225 mm. (série illustrée)
Nombre de titres disponibles : 174
Nombre de nouveautés dans l'année : 3
Ventes nettes annuelles : 8 000 ex.
Prix de vente moyen : 31,30 €
Réimpressions de titres du fonds dans l'année : 5
Les 5 meilleures ventes du fonds :
Emmanuel Le Roy Ladurie. Montaillou. Village occitan de 1294 à 1324
Michel Foucault. La Volonté de savoir
Michel Foucault. Surveiller et punir
Georges Duby. Le Temps des cathédrales
Les Lieux de mémoire
Les données concernant les ventes, les prix publics (TTC) et les réimpressions sont représentatives des quatre dernières années.
Mise à jour : juin 2013
© Éditions Gallimard