Il y a une vie romancée de Comte, mais c'est Comte qui en est l'auteur ; à ce titre elle n'est qu'un fragment de son histoire. Retrouver le philosophe tel qu'il s'est vu à travers sa philosophie, chercher s'il s'est vu tel qu'il fut, double exigence à laquelle il est impossible d'échapper. La biographie d'Auguste Comte, c'est la vie de Comte romancée par lui-même et «déromancée» par l'histoire.
Le drame d'Auguste Comte, c'est la posession d'un homme par un système. Fils de la Révolution, le «messie positiviste» a enregistré la mort de Dieu et la
disparition des rois ; mais, en même temps, il a proclamé la fin de la Révolution elle-même et reconnu la mission du XIX^e siècle : fonder un ordre nouveau, à la fois politique, moral et religieux, rendre à l'Europe son unité et tourner vers l'Humanité, les cœurs privés de Dieu... Songe d'un soir de Révolution.
La Restauration, 1810, 1848, le 2 décembre... Les fugues de Madame Comte, la folie du maître, ses démêlés avec les autorités académiques et polytechniciennes, le grand amour pur pour Clotilde de Vaux... L'histoire du siècle et la vie privée d'Auguste Comte ne forment qu'une seule et même trame. La réalité n'est plus alors qu'une petite chose à la surface d'un songe.
Fondateur de la science sociale, sauveur de la civilisation occidentale, conseiller spirituel de l'Europe retrouvée, pape d'un catholicisme sans Dieu, Comte vit dans l'avenir et se dit le contemporain des hommes du XX^e siècle.
Aux hommes du XX^e siècle de lui répondre.