Il doit y avoir des gens qui meurent lentement des désordres de l'Histoire, comme on meurt d'un cancer. Ce fut le cas de Jean-Manuel, un jeune homme qui semblait promis au plus grand destin avant 1914. Le narrateur de cette histoire est initié par lui à l'amour des choses de l'esprit, mais leur amitié est interrompue par la guerre. La paix revenue, l'adolescent ne retrouve plus cet ami bienveillant qui lui servait de modèle, mais un personnage inconnu dont le ressort intérieur semble avoir été cassé.
Halluciné par l'alcool, proie offerte à tous les vices, Jean-Manuel roulera dans tous les ruisseaux jusqu'au moment où il sera frôlé par la mort. Désintoxiqué, guéri, il connaîtra quelques mois de rémission jusqu'en 1939. Ce jour-là, définitivement vaincu par l'Histoire, il retournera à ses vices, à son abjection et à sa folie.
Nous sommes tous concernés par cette terrible histoire, car Jean-Manuel c'est «l'anti-destin au départ d'un même destin, le misérable qui aurait pu être un homme heureux, l'être perdu en tout point semblable à celui qui a su ne pas se perdre».