Cet ouvrage fondamental de Werner Spies donne un accès d'une surprenante nouveauté à l'œuvre de Max Ernst. À partir du collage, il présente la genèse d'un art qui remplace le travail libre par un travail de transformation que déterminent les critères de la sélection – la contradiction opposée à l'inventaire existant du visible.
Werner Spies qui, en tant que directeur de l'édition du catalogue raisonné de Max Ernst, possède une connaissance exhaustive de l'œuvre de celui-ci, présente pour la première fois dans ce livre de nombreuses sources de collages. On reste fasciné par le degré de transformation auquel est parvenu Max Ernst. Les exemples concernant les toiles sont impressionnants : là aussi Max Ernst part d'un matériau d'illustration préexistant, esthétiquement sans intérêt. La publication et la description des images initiales ne dissipent cependant en rien le mystère de l'œuvre, mais dévoilent au contraire –
grâce à une analyse critique des contextes idéologiques (dada, le surréalisme) – une grande rigueur dans la conception des formes. Max Ernst apparaît de ce point de vue comme l'un des pionniers de l'art de ce siècle. Il est le premier à ne pas utiliser la combinatoire de choses existantes à des fins d'agression antiesthétique, comme l'a fait Duchamp, mais dans le but de réaliser une œuvre positive, qui ait une continuité. De nombreux collages sont ici révélés ; des documents indispensables à la compréhension de l'œuvre, parmi lesquels des lettres de Max Ernst à Tristan Tzara du début des années vingt, des lettres de Baargeld et d'Éluard, des critiques extraites de journaux
de Cologne et de Düsseldorf, contribuent à cerner de plus près la «personnalité du choix», les critères de la sélection et à définir une œuvre qui a édifié un univers «au-delà de la peinture».