Considérations sur l'État des Beaux-Arts

. Critique de la modernité
Collection Les Essais (no224)
Gallimard
Parution
Ces derniers vingt ans ont vu la multiplication des musées d'art moderne et la multiplication des écrits qui lui sont consacrés. Mais jamais on a aussi peu peint, jamais non plus on a aussi mal peint. La pullulation d'objets hétéroclites qui ne ressortissent à «l'art» que par l'artifice du lieu qui les expose et du verbe qui les commente amène à poser la question : vivons-nous le temps d'un moderne tardif, au sens où l'on parle d'une Spätgotik? L'institutionnalisation du moderne semble coïncider avec le moment où le moderne perd de ses pouvoirs et de son sens.
Quelles sont les causes de ce déclin? En transposant dans le domaine des formes le propos millénariste des Révolutions, la théorie de l'avant-garde a peu à peu fait entrer la création dans la terreur de l'Histoire. De ce point de vue, le primat de l'abstraction imposé après 1945 aux pays occidentaux n'est que la figure inverse de l'art d'État que le réalisme socialiste a imposé aux pays soviétiques. Elle a entraîné une crise des modèles : inverse de celle du néo-classicisme qui rejetait la perfection de l'art dans le passé, elle a projeté dans le futur une perfection désormais inaccessible dans le temps. Elle a aussi entraîné une perte du métier : le n'importe quoi, le presque rien, l'informe et le monstrueux comme variétés de l'hybris moderne redonnent à la querelle du Kunstkönnen et du Kunstwollen une singulière actualité.
C'est aussi suggérer qu'une modernité comparable à celle dont Vienne fut le foyer au début du siècle est encore possible. Lucide, conçue comme critique instrumentale d'elle-même, elle aurait pouvoir, comme Schoenberg, Loos ou Schiele l'affirmèrent dans leur œuvre, de retrouver l'éternel au cœur de la circonstance.
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