De Champollion j’ai d’abord su qu’il n’était pas en Égypte avec Napoléon ; que de la pierre de Rosette il n’a jamais vu que des copies plus ou moins fautives ; qu’il souffrait de la goutte et de ses pieds enflés comme ceux d’Œdipe ; qu’il entendait rugir un lion dans le nom de Cléopâtre, et qu’il s’évanouit devant son frère quand il eut trouvé le secret des hiéroglyphes…
Puis j’ai su que pendant l’hiver 1827 on lui fit la lecture des romans de Fenimore Cooper, en particulier Le dernier des Mohicans. Je l’ai suivi sur cette piste romanesque, à travers une forêt qu’il cherchait peut-être à déchiffrer en même temps qu’il s’intéressait aux mœurs et aux coutumes « des nations sauvages de l’Amérique ». Je l’ai suivi jusqu’au Musée du Louvre où il venait d’installer les salles égyptiennes quand il vit des Indiens de la tribu des Osages parmi les bustes de l’Antiquité, pressentant la tristesse des tropiques dans le chant lentement cadencé d’une femme accroupie.
G. M.