Qui ne sait par cœur Le Singe et le Léopard, de La Fontaine? Pour «gagner de l'argent à la foire», ils font eux-mêmes leur publicité. Et le Léopard dit :
«...Le roi m'a voulu voir,
Et si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée!»
La bigarrure plaît : partant chacun le vit.
Si la bigarrure plaît, le recueil que publie à la Nouvelle Revue Française Abel Hermant sous ce titre emprunté au fabuliste ne manquera point de plaire et chacun le lira ; car on ne saurait guère imaginer bigarrure plus poussée que celle-ci.
Son caprice se joue du temps comme de l'espace. Elle débute, aux plus beaux jours d'Athènes, par un «entretien du jeune Démocratès, fils de Lysis, avec Ménexène, sur le propos des courtisanes en général et singulièrement d'Aspasie Milésienne». Puis, c'est un crochet aux îles Fortunées, où Socrate en personne – feu Socrate – reçoit la visite de cette prêtresse de Mantinée, de qui, dans le Banquet de Platon, il prétend avoir appris la science de l'amour. Sans ombre de transition, nous passons aux «années trente» de ce siècle-ci, et l'auteur nous présente en liberté (c'est bien le cas de le dire) cinq «jeunes personnes», dont la plus réservée n'a pas froid aux yeux. Pour finir, un chapitre, censé inédit et «bâtonné» dans le manuscrit original, du Mémorial de Sainte-Hélène : Le Songe de Napoléon.
Voilà sans doute de quoi divertir ceux qui pensent, comme La Fontaine, que «le Singe avait raison» :
Ce n'est pas sur l'habit
Que la diversité me pIaît, c'est dans l'esprit.