La production industrielle la plus scientifiquement organisée est une ruine quand il n'y a pas de client pour l'acheter. Fabriquer c'est un, vendre c'est dix. La plus difficile machine est la machine à fabriquer la clientèle. Les frais d'usinage d'un objet peuvent être moindres que ceux de sa commercialisation. Il en coûte plus de le tenir au magasin que de le sortir de fabrique. Dans Et avec ça, Madame?, Pierre Hamp continuant la série de ses irréfutables enquêtes, montre l'insuffisance du commerce dans la civilisation industrielle. D'où une nouvelle misère, la misère d'abondance qui fait que l'humanité est malheureuse par la profusion comme elle l'était autrefois par la pénurie. Il faut la guerre pour épuiser les stocks par la destruction de tout ce qui pourrait servir au bien-être et ne sert qu'à augmenter le drame terrible du travail : se dépêcher d'anéantir ce qu'on vient de fabriquer, sinon, c'est la ruine. «Et avec ça, Madame?» Dépêchez-vous d'acheter et d'être la cliente, si vous ne voulez que l'armée prenne votre place pour absorber ce que l'industrie produit et que le combat pulvérise la marchandise et la clientèle. Puis tout recommence.
Jamais le monde n'a été dans une telle folie. Pierre Hamp le démontre non par des raisonnements hirsutes et des statistiques accumulées mais par l'histoire de la tasse à thé donnée en prime et la critique du boutiquisme onéreux par rapport au salutaire commerce.
À une époque où la civilisation industrielle croit se sauver par la nationalisation des entreprises, Et avec ça, Madame? montre sans raisonnement d'économie politique mais par la seule puissance des faits, la valeur de l'initiative individuelle dans la création de la fortune nationale.
La parole d'Emerson mise en épigraphe à ce volume en résume toute l'exactitude : «Le plus grand améliorateur du monde, c'est l'égoïste et artificieux commerce».