Un homme tente de s'enfermer dans une chambre pour écrire un poème. Ce poème, il le voudrait pur, lisse, serein : pareil à ce galet posé sur sa table, qui est sa pierre de touche, et auquel il souhaite aussi de faire ressembler sa vie. Or, il s'aperçoit qu'il s'est engagé dans une tâche irréalisable : ce poème, qu'il voulait délié de tout, les choses au milieu desquelles il vit le lui imposent : cette chambre même, et tout ce qui l'entoure, cette rue étroite sur laquelle il plonge, où s'agitent, dans une brume jamais résolue, les fantômes de l'inconscient ou du souvenir. Les êtres, comme les mots, s'avancent vers lui avec une allure prometteuse, mais les uns et les autres sont entachés d'impureté : ils ont déjà servi. L'ami qui se présente a des côtés d'histrion. La compagne qu'il trouve, cette jeune fille aux yeux sombres, au visage plein de supplication qui l'interroge avec avidité, apprend, à son contact, en même temps à désirer l'impossible et à connaître ce qu'elle est : aussi disparaîtra-t-elle sans rien dire. Il reste ainsi seul avec son ambition. Il quitte sa chambre usée elle aussi. Du haut d'un nouveau poste de vigie il guette, il attend.