Fils d'un ministre luthérien sans fortune, élevé dans la piété, nourri de la Bible, orphelin de bonne heure, George Krause n'a connu que la discipline et les déceptions. Des déboires conjugaux le poussent à s'éloigner des lieux où, follement amoureux de sa femme, il fut victime de son sens intransigeant du devoir.
Sorti d'une école navale des États-Unis où il avait été admis comme boursier, il est désigné pendant la dernière guerre, pour commander une flottille de destroyers qui escorte un convoi américain de trente-sept cargos à destination
de l'Europe. Berger vigilant, il n'a d'autre souci que celui de les défendre et de les conduire à bon port.
Bergers sur la mer est le récit de la traversée de l'Atlantique par ce troupeau traqué. Les inquiétudes, les menaces, les alertes et les combats que livre, sous le commandement exemplaire de Krause, l'escorte de contre-torpilleurs aux assauts des submersibles, sont racontés avec une précision dramatique.
Le gros temps, les changements de route, les manœuvres qu'implique la défense des précieux chargements, tendent à disperser sans cesse les cargos sur la mer. À bord de son Keeling, le commandant Krause est le bon berger qui veille sur tous, lutte contre les difficultés de toutes sortes, résout d'instinct les problèmes urgents, présent partout, le jour, la
nuit, oubliant de manger, négligeant de dormir, dévoré de scrupules, soucieux de justice.
Son zèle admirable ne pourra rien contre des assauts imprévus, menés partout, dessus et dessous la surface de la mer. Sur les trente-sept cargos dont il avait la garde, trente seulement atteindront l'Irlande. Sept ont péri, torpillés ou incendiés, quand, le voyage touchant presque à son terme, l'arrivée d'une flottille de secours est enfin signalée.
Mais le commandant Krause ne garde même pas le droit de conduire à destination les trente survivants. Il reçoit l'ordre douloureux d'abandonner le troupeau qu'il a convoyé.
L'exemple d'Hornblower, le capitaine sans peur, on le voit, n'est pas perdu. Krause est de la famille des marins qui ne craignent que le déshonneur, de ceux, dit C. S. Forester, qui considèrent leur corps comme un instrument, un instrument qui sert à faire son devoir.