C'est une véritable radiographie du Pérou que propose ici Julio Ramón Ribeyro, maître dans l'art de la nouvelle. Chacun de ces récits, poli et ciselé à la manière d'une miniature ancienne, nous entrouvre une porte, nous invite à partager les obsessions, les nostalgies, les espoirs et les rancœurs inavoués de tout un monde marginalisé par l'effritement de ses structures anciennes que rien ne vient remplacer.
Nous errons avec le conteur à travers les demeures de l'aristocratie coloniale rongées par le climat et les insectes, les quartiers neufs de Lima, où les immeubles se lézardent avant d'être achevés, les allées de flamboyants ou de jacarandas, seul luxe des pauvres que le «progrès» sacrifie à la poussière, les bars crapuleux du port où l'on meurt sans raison et où l'on tue pour un rien...
Mais voici que l'insolite fait irruption. Un enfant escalade en secret les toits pour rendre visite à un vieillard immobilisé, honni de tout le quartier parce qu'il prononce des vérités que l'on préfère habituellement taire. Mais peut-être ce mage n'existe-t-il que dans l'imagination du garçon, tout comme cette bibliothèque ancestrale qu'un adolescent retrouve au prix de mille ruses... réduite en poussière par les termites.
Possédé par Lima, par toutes les villes – celles du Pérou comme celles de l'Europe –, Julio Ramón Ribeyro nous mène au terme de ce périple dans une hacienda solitaire où Silvio se penche jour après jour sur le message chiffré des buissons de sa roseraie. Nous voici en plein fantastique, pris au piège du jeu.