Le mince cahier où Marthe de Fels consigne avec élégance les réflexions pertinentes que lui inspirent la vie et le dévouement de Saint Vincent de Paul est, en réalité, un volume de poids. Le souvenir qu'il laisse est de la même qualité que celui d'un ouvrage fouillé. La vie de Monsieur Vincent, d'ailleurs, est faite pour donner le goût des longs et sinueux développements : ce gardien de troupeau landais, ce pèlerin d'une puissance intérieure confondante, cette sorte de fourrier du catholicisme, qui se fait prendre par des pirates et convertit un maître à la religion de Rome, cet organisateur capable de donner des leçons aux proconsuls, était bien fait pour tenter un écrivain nuancé, mais séduit par les grands caractères. Marthe de Fels nous devait ce mémoire rapide sur le curé de Clichy qui, s'il eut l'idée de créer des refuges pour infortunées, assistait aussi le Roi quand il mourait.
Il apportait, aux moindres entreprises comme aux plus considérables, un talent de saint homme qui confond encore aujourd'hui. Le fondateur des prêtres de la mission et des sœurs de Charité, cet inventeur de la miséricorde, pratiquait une politique contre laquelle tout se brisait, et qu'aucune hypocrisie ne pouvait faire gauchir de sa route : celle de l'absolue pureté, celle des motifs avouables, celle de la loyauté ferme et constante. «Ne pas aigrir les cœurs...» disait-il.
Marthe de Fels s'empresse de rappeler cette doctrine étonnante tout au début de son précieux opuscule. On aimera ce portrait de M. Vincent pour le charme et l'intelligence que l'auteur a apportés à le peindre, pour l'habileté de Marthe de Fels, et pour la passion discrète qu'elle ressent en présence de son admirable modèle.