Se souvenant de l'extraordinaire fortune de ses recueils de nouvelles Ouvert la nuit et Fermé la nuit, publiés en 1922 et 1923, Paul Morand, un demi-siècle plus tard, expliquait, dans Venises : «Tout ce qui s'était passé à Paris pendant mes année d'absence confirmait la révolution de mœurs amorcée en 1917. Une génération revenait de la guerre, écœurée d'hier, curieuse de demain, de ceux qui sauraient l'expliquer à elle-même, lui révéler le monde nouveau, lui faire l'inventaire géographique de son logis mal connu, la planète. Si les Nuits et Rien que la terre reçurent un bon accueil, le mérite en revient moins à l'auteur qu'aux circonstances : un succès n'est souvent que la rencontre d'un homme et de son époque. Qu'est-ce que l' art, sinon chaque temps en sa chose? Malgré nous, chacun de nos livres semblait dire à l'avant-guerre : "Bon pour vous faire enterrer."»