Ce livre, commenl le définir? Tantôt récit psychologique uni et serré, tantôt roman d'aventures dans le grand Nord soviétique, il s'achève en mélodrame de style élizabéthain, parmi le sang, la tempête, le naufrage. Il déroute et retient, il irrite et séduit.
Bref, il ressemble à Stephan Strogoff, son auteur.
Stephan Strogoff est le fils de la Russie nouvelle. Il est formé, instruit, endoctriné comme le sont tous
les garçons autour de lui. Le régime où il grandit lui paraît aussi naturel que l'air qu'il respire. Matériellement, il n'a pas à se plaindre. Les fonctions de son père assurent à la famille une vie aisée, un appartement confortable. Nul plus que lui n'admire la faim de culture qui dévore les jeunes générations russes et la compréhension, la générosité, Ia sollicitude que montre le gouvernement à satisfaire ce besoin. Il fait ses études avec passion et succès, Il va au théâtre, aux ballets. Il courtise les jeunes filles. Il devrait être heureux... il ne l'est pas.
Il n'est pas question ici d'autobiographie. Les personnages, les événements, les décors mêmes, n'ont rien à voir avec Strogoff ou avec son existence. L'ouvrage, d'un bout à l'autre, et dans le moindre détail, est pure fiction.
Strogoff a beau avoir vécu en Occident, il est tout imprégné, tout imbibé de la Russie, de sa Russie. La ville cimetière, le Nouvel An dans les décombres, par quoi s'ouvre son roman, et les rivages glacés de la mer Blanche où il s'achève, quel autre pays aurait pu les inspirer et quel auteur, s'il n'en était pas le fils, aurait pu les inventer, les décrire? Et donner par là, au lecteur d'Occident, les éléments d'un domaine et d'un rêve inconnus?