Dans une école (laïque, on ne peut s'y tromper) où institutrices et instituteurs ont vécu jusque-là très unis depuis des années, une nouvelle maîtresse survient. C'est une femme étrange dont l'esprit peu conforniste déconcerte et indispose son entourage. On pressent vite un terrible secret dans le passé de Madame Langlois. À cause d'elle tout est remis en question et les imaginations s'enflamment. Bien vite l'école devient hantée, le «pot au feu pédagogique» fait place à d'étranges cas de conscience.
Le directeur de l'école, Monsieur Le Bel, a «les histoires» en horreur. Jusque-là il a toujours eu la manière pour les éviter. Y parviendra-t-il à deux ans de sa retraite? C'est un
homme d'une grande élévation morale qui fait honneur à l'idéal laïque.
Mais autour de lui les sensibilités sont exaspérées. L'étonnante
Madame Leprince, Fraipoint – qui tous les ans fait réciter dans sa classe, en composition de récitation, l'ordre du jour de Joffre à ses troupes à la veille de la bataille de la Marne – Champeaux, Bellot, Dupuis parviennent difficilement à se maîtriser. D'autres maîtres, au contraire, sont prêts à tout sacrifer pour témoigner en faveur de Madame Langlois.
Et Ies parents interviennent ! Le procès qu'ils font à l'école est bien révélateur de la hargne de nombreux Français dressés contre Ieur gouvernement. Leurs exigences, leur dureté semblent avoir été notées sur le vif par l'auteur sous le préau de l'école communale...
Il se dégage de ce livre une intensité de passions contradictoires qui est à l'image de la France contemporaine. Jusque dans les dernières pages nous ne saurons pas exactement
comment juger Madame Langlois. Son pouvoir sur les cœurs des enfants, sur son inspecteur lui-même, est indéniable. Tout ce bouleversement autour d'elle, à quoi donc l'attribuer?
Le bleu d'outre-tombe, est-ce la confession poignante d'un
«enseignement»? Est-ce un documentaire réalisé dans la cour d'une école transfigurée par le regard prophétique d'une institutrice?
Il semble que René-Jean Clot, parce qu'il n'a pas seulement essayé de raconter une histoire mais de vivre une expérience, nous
interdise d'assimiler son livre à une œuvre d'imagination.