Certains écrivains publient leurs réflexions morales et métaphysiques, les menus événements de leur vie, le portrait de leurs amis ou de leurs confrères, leurs colères ou leurs plaisirs selon l'ordre chronologique. Cela forme les «Carnets», «Cahiers», «Notes» et «Journaux intimes» dont notre époque est si friande. Lire un journal intime procure le même amusement que d'aller au music-hall, où de jeunes demoiselles se dévêtent en public.
Le Fond et la Forme est une sorte de journal, car il offre un répertoire des idées de son auteur sur la guerre, le peuple, la Résistance, le mensonge, la vérité, la trahison, l'art, etc., mais on a groupé ces sujets selon l'ordre alphabétique. Ce que le journal décharge pêle-mêle, le dictionnaire le dispose selon un plan, élémentaire certes, mais fort commode.
Le Fond et la Forme est donc un dictionnaire. Mais c'est un dictionnaire tumultueux, plein de fables, de dialogues très vifs, de contes moraux, de récits bizarres, de satires cruelles, de proverbes inédits. C'est que l'auteur, semble-t-il, serait plutôt écrivain – et
dans ses bons jours, poète – que philosophe. Les lecteurs trouveront ici, traités avec autant d'ardeur, mais poussés un peu plus loin,
quelques thèmes qu'ils avaient bien voulu approuver dans Les Taxis de la Marne, et quelques vieilles rengaines que l'on n'entend plus guère depuis une centaine d'années : il est plus agréable d'être courageux que lâche, il est plus gai de croire en Dieu que de ne croire en rien, il est défendu de torturer ou de tuer son prochain, il vaut mieux écrire bien qu'écrire mal, le peuple se trompe quelquefois, et ainsi de suite.