«Ce livre est un texte collectif conçu et rédigé il y a plus de vingt ans. Il a paru en 1947 dans une de ces petites revues confidentielles de jeunes poètes comme il y en eut tant à l'époque. Il est l'œuvre de quatre jeunes inconnus qui cherchaient à réinventer ensemble pour les projeter directement sur le papier leurs fantasmes, leurs angoisses et ce qu'ils savaient être aussi leurs illusions du moment. Ils n'avaient pas de métier, pas d'argent. Cette sorte de long poème – prose, vers, collages, citations, faits divers, phrases de la rue, morceaux de dialogues, fragments de journaux, bouts d'affiches – s'efforce de capter à l'état brut les réactions de personnages anonymes à partir de cette zone obscure où naissent et s'expriment dans le langage codifié de la Ville les appétits sexuels et les déceptions érotiques.
Le langage sous sa forme la plus élémentaire, fait de propos banals ou de ces mots de passe préfabriqués par lesquels se célèbre la liturgie
amoureuse depuis les premières manœuvres d'approche jusqu'à la fuite des partenaires dans la routine des occupations quotidiennes, est ici délibérément restitué. Toute la mythologie des formules stéréotypées venues du courrier du cœur et des petites annonces, des
manchettes des journaux et des refrains populaires, qui flotte dans notre conscience de l'homme de la rue, se dramatise dans une sorte
de monologue intérieur de la conscience collective.