Les cent lettres d'André Suarès qui composent ce volume n'ont pas été envoyées à leurs destinataires. Armand Roumanet, qui les présente, en donne cette explication : «Tous ceux qui ont connu André Suarès savent qu'il était sujet, et fréquemment, à de violentes colères. Quelques mots mal pesés, sur lui-même ou sur son œuvre, dans un épitre, un journal, une revue, suscitaient de terribles diatribes ou quelques lignes brèves, mais non moins redoutables...». Toutefois, le premier moment d'irritation passé, la colère calmée par la
composition de la lettre, il arrivait souvent que Suarès ne l'envoyât pas.
Les documents ici réunis sont loin d'être tous des témoignages de mauvaise humeur. Le solitaire et farouche Suarès avait aussi des élans de tendresse et d'admiration. Quelle pudeur, quelle timidité le retenaient de faire part de ces sentiments?
Celte «correspondance non envoyée» s'échelonne de 1888 à 1948. Les «correspondants imaginaires» de Suarès sont nombreux. Ne citons que les plus grands : Tolstoï, Henri Poincaré, Jules Lemaître, Péguy, Claudel, Bourdelle, Jouhandeau, Paul Dukas, Stefan Zweig, Max Jacob.
Comme l'écrit Armand Roumanet : «Ces lettres sont destinées à tous ceux qui, admirant en Suarès l'un de nos plus grands écrivains, le veulent connaître davantage et connaître mieux».