Dieu regarde des enfants innocents et cruels qui jouent aux soldats (On n'est pas des sauvages), un soldat qui retrouve dans l'amour les gestes de son enfance (Le trou), un père que le départ de sa fille jette dans le désarroi (Dis tu m'écriras) ; il regarde les grandes et les petites peines des personnages sans destin évoqués dans les onze nouvelles ici rassemblées ; et il se tait. On nous avait déjà dit que «Dieu n'est pas romancier» : il n'est pas davantage poète.
C'est pourtant la poésie, celle de l'imagination et celle du cœur, qui donne un sens à nos médiocres vies, et au monde sa foisonnante réalité. Et c'est le regard poétique et tendre d'Annie Saumont qui transfigure la tragédie d'autrefois et le présent trivial (Un pique-nique en Lorraine), le souvenir obsessionnel (Méandres), l'échec douloureux (Anniversaire). Il ne s'agit pas cependant de textes poétiques. Ces «nouvelles» nous apportent des nouvelles du monde tel qu'il est, habitué et banal, mais que l'art discret, subtil, rigoureux de l'auteur sait nous faire voir dans la lumière des commencements.