«Sa vision de la vie, profonde. pathétique et quelque peu amère à force de passion, n'est pas sans analogie avec celle des grands Scandinaves.» C'est ainsi que Francis de Miomandre présentait Carlos Droguett dans les Cahiers du Sud, en 1952. Le public français aura pourtant dû attendre près de trente ans pour découvrir Droguett, auteur déjà de toute une œuvre.
Pattes de chien, son second roman traduit en français, confirme et accentue cette passion première et fondamentale. Passion d'amour pour ceux qui souffrent, passion de haine pour ceux qui font souffrir. De son propre aveu, Droguett est un passionné à part entière. Sans la passion il ne peut vivre, et c'est elle qui le conduit sur le chemin de l'écriture. Elle est son thème essentiel, son thème unique même, qu'il parte à la recherche de l'origine de l'être humain, comme dans Après le déluge, ou de sa propre histoire, comme dans Pattes de chien, son roman le plus autobiographique.
Ce livre n'est pas seulement l'histoire d'un enfant monstrueux, malheureuse créature trop consciente de son destin inexorable, de son désespoir sans trêve ni fin : c'est aussi, et surtout, l'histoire de toute la souffrance humaine, de la gratuité et de l'inutilité de cette souffrance qui, d'un continent à l'autre, d'une époque à l'autre, constitue l'unique patrie de tant d'êtres.
Ce n'est pas un roman qui se lit paisiblement, car il est dans sa tragique démarche une révélation implacable de la «condition inhumaine» et, à partir d'un cas particulier, une accusation sans appel de la cruauté de l'homme pour l'homme. À la lecture de ce livre bouleversant., nous nous sentons tous coupables.